Emma, Jane Austen

Hello tout le monde!

ça fait longtemps! Une semaine pour enfin sortir un nouvel article… Pour tout vous dire, j’ai vraiment pris mille ans pour lire ce livre. Je me suis rendue compte que ça m’avait manqué d’écrire des articles sur le blog, ça commence à rentrer dans mes habitudes!

Aujourd’hui, on va parler d’un roman qui est un favori pour beaucoup de monde (du moins, c’est ce que booktube m’a dit…). Avant de vous dire ce que j’en ai pensé personnellement et de vous parler de mon expérience de lecture, je vais essayer de faire un commentaire, – très large et incomplet -, le plus objectif possible de ce célébrissime roman victorien : Emma de Jane Austen. Dîtes moi en commentaire si vous avez déjà lu Jane Austen et quelle place son œuvre occupe dans votre cœur. J’ai des amies qui ont un crush sur Mr Darcy d’Orgueil et Préjugés depuis des années, d’autres qui ont vu le film 50 fois (coucou Diane <3), mais j’ai jamais trop entendu parler d’Emma. J’ai l’impression qu’en France, on est plus familier de la romance Elizabeth Bennet/Darcy que d’Emma, de Mr Knightley, d’Harriet et de tous les autres personnages qui peuplent le roman que je vous présente aujourd’hui. Pour ma part, je n’ai vu Orgueil et Préjugés que cette année et le peu que je sais de Jane Austen, je l’ai appris en cours d’Anglais ces deux dernières années, mais c’est bien peu. Donc Emma est mon premier Jane Austen et je crois qu’il est un bon ambassadeur de son œuvre en général.

Emma : le roman de mœurs et d’initiation d’une héroïne d’un nouveau genre

« Emma Woodhouse, une jeune femme belle, intelligente, riche, disposant d’une maison confortable, et douée d’un heureux naturel, semblait avoir vu réunis en elle tous les dons possibles et imaginables. » Voilà l’incipit de ce roman, incipit qui indique de but en blanc, bien qu’on l’ait compris par le titre, que c’est bien le personnage d’Emma qui sera au centre de l’attention tout au long du texte. Emma est donc une belle jeune fille perspicace de 21 ans, qui vit seule avec son père dans leur domaine d’Hartfield. Après le départ de sa gouvernante, qui a donné sa main en mariage à un certain Mr Weston, Emma se retrouve isolée et s’ennuie. Elle rencontre Harriet, une jeune fille sans nom, sans argent, sans manières et à l’éducation minimale, et se met en tête de lui trouver un parti convenable, c’est à dire, bien au dessus de son rang, car Emma considère qu’Harriet vaut bien mieux que ce que la vie a fait d’elle. Cette ambition est récompensée par un échec, car le prétendant qu’Emma avait choisi pour son amie est en réalité amoureux d’elle. Je ne voudrais pas tout vous spoiler, même si tout cela se passe très tôt dans le roman, donc je ne vais pas détailler toutes les intrigues amoureuses qui s’y déroulent. Ce qu’il faut savoir c’est qu’une de ces intrigues concerne le fils de Mr Weston, Frank Churchill, très beau jeune homme qui n’hésite pas à séduire Emma mais dont les intentions véritables ne nous sont dévoilées qu’à la toute fin du livre. Il y a aussi Mr George Knightley, le beau-frère de la sœur d’Emma, qui, elle, est mariée à John Knightley. Enfin, le roman fait intervenir d’autres nombreux personnages secondaires comme Jane Fairfax, qui est un peu la némésis d’Emma, Miss et Mrs Bates, qui sont respectivement la tante et la grande tante de Jane, ou encore Mr Elton, le pasteur du village à qui Emma destinait Harriet au début du récit, et sa femme Mrs Elton, qu’il épouse pour faire un pied de nez à l’héroïne. Tout cela a l’air bien compliqué, parce que je ne raconte pas les événements dans l’ordre, mais ce fouillis de personnages correspond bien à la réalité : ce roman nous plonge dans la bonne société d’Highbury et nous donne à voir tout ce qui s’y passe, les mésententes, les commérages, les amitiés, les rivalités, etc.

Il s’agit donc d’un roman de mœurs et Highbury est un échantillon très réaliste de la société de l’époque victorienne et où le jeu des apparences et des relations (plus ou moins authentiques) prend une place considérable. Mais il s’agit surtout d’un roman d’initiation car c’est Emma, qui est au centre de toute cette agitation et c’est à travers ses yeux que nous voyons se dérouler les événements. Emma est une jeune fille tout à fait insupportable. Jane Austen craignait même qu’elle ne rebute le lecteur : « en dehors de moi, personne ne l’aimera vraiment« . Son héroïne est entêtée, vaniteuse, pleine de préjugés sociaux, moqueuse, manipulatrice, elle n’en fait qu’à sa tête et elle se mêle des affaires de tout le monde.
Au début du roman, la manière dont elle manipule Harriet, lui fait renoncer à un mariage d’amour, sous prétexte qu’elle mérite un homme d’un rang plus élevé, et la convainc qu’elle doit tenter quelque-chose avec Mr Elton, qui lui brisera plusieurs fois le cœur, nous donne un aperçu de tous les défauts de cette héroïne, qui est certes belle, intelligente et riche, mais qui part avec de gros handicaps dans cette histoire qui porte son nom. Je reconnais qu’elle n’est pas du tout attachante au début (et que j’ai plusieurs fois eu envie de la gifler). Mais cette partie était tout de même assez amusante à lire car l’autrice nous donne à voir très clairement tous ses défauts, nous fait savoir qu’Emma se trompe sur toute la ligne et se moque beaucoup d’elle. J’ai trouvé particulièrement intelligente l’utilisation du discours indirect libre. Emma est la focalisatrice dans le texte mais pas la narratrice, il y a un narrateur omniscient hétérodiégétique, mais qui utilise le discours indirect libre pour retranscrire les paroles d’Emma : c’est comme si elle coupait sans arrêt la parole au narrateur et que celui-ci ne pouvait pas en placer une!
Mais évidemment, elle grandit tout au cours du roman (enfin surtout dans les 60 dernières pages, elle est un peu longue à la détente et très profondément enfouie dans le déni, notre Emma…), découvre qu’elle s’est mal conduite et pourquoi, s’engage à mieux se comporter, à faire preuve de plus de gentillesse et à découvrir qui elle est vraiment et en est récompensée par un amour qu’elle ne soupçonnait pas.
Emma est donc une héroïne spéciale, unique, car le seul véritable obstacle qu’elle doit surmonter dans sa quête d’initiation, c’est elle-même. La forme même que prend cette quête d’initiation est tout-à-fait innovante (et je regrette de ne pas avoir senti ça de manière plus forte pendant ma lecture parce que je passais mon temps à être en désaccord avec Emma): en fait, ce roman est construit comme un roman policier dont Emma serait l’investigatrice et dont le mystère serait elle-même. Il y a d’autres mystère qui se résolvent à la fin, mais je vous ai promis de ne pas tout vous spoiler alors il faudra lire le livre! 😛 Je pense que la relecture de ce livre doit être plus plaisante que la première lecture. Je n’ai pas pu m’empêcher de le comparer aux Hauts de Hurlevent d’Emily Brontë, que j’ai lu cette année et que j’avais beaucoup aimé du fait que l’histoire soit racontée de manière rétrospective et qu’on en connaisse le résultat par avance. J’ai trouvé que ça donnait vraiment envie de savoir « comment on en était arrivé là ». Mais Emma se déroule de manière linéaire et chronologique, ce qui m’a parfois beaucoup fait bailler. Mais je pense que de le relire avec le dénouement en tête pour chercher tous les indices laissés par le narrateur, indices qui échappent autant à nous qu’à Emma, doit être bien plus divertissant. Pour résumer, la particularité, l’originalité de ce roman est qu’il revisite et prend le contre-pied de genres canoniques, le roman de mœurs et le Bildungsroman, tout en mettant en place un véritable polar dont les événements, les retournements de situation sont purement sentimentaux. Emma, c’est, en quelque sorte, la version romanesque de Bérénice.

Casser les codes: un roman courtois moderne

Bon finalement, je crois que je vais pas avoir le choix, je vais un peu vous spoiler, mais pas beaucoup (promis). De toute façon toute l’intrigue romantique du livre est très prévisible, et, comme c’est un classique, on va dire que je peux partir du principe que c’est pas du spoil, tout le monde sait comment ça finit… Nan? Surtout quand on connait Orgueil et Préjugés…. Bon allez j’arrache le pansement, on va parler de Mr Knightley. Pour moi qui ai eu beaucoup de mal avec ce livre, comme vous le verrez à la fin de cet article, Mr Knightley est le personnage qui m’a sauvé la mise, c’est le personnage pour qui ça vaut la peine de lire ce livre. Franchement, parfois les longues discussions sur la pluie et le beau temps, les affaires de mariage, les longs monologues d’Emma sur ses théories, ses soupçons et ses manigances, ça devenait désespérant. Emma raconte/pense tellement d’atrocités et d’absurdités, elle se fait tellement des films, qu’on n’a qu’une envie, en tant que lecteurs, c’est que quelqu’un vienne et « cut son bullshit » (pardonnez ma grossièreté), que quelqu’un lui rentre un peu dans le choux pour qu’elle revienne à la réalité. Et là, Mr Knightley est notre sauveur!
Alors avec son petit nom, qui veut littéralement dire « chevaleresque », on pourrait penser que Mr Knightley est un chevalier servant et dévoué à satisfaire tous les caprices de la dame qu’il courtise, comme dans un bon vieux roman à l’eau de rose médiéval. Mais alors pas du tout. Mr Knightley, c’est tout l’inverse. Il y a d’autres hommes dans le roman, Mr Elton et Frank Churchill, qui eux, courtisent Emma en bonne et due forme, ils cherchent à flatter son arrogance, sa fierté, lui disent qu’elle est belle, lui promettent des danses au bal, lui écrivent des poèmes. Mais à chaque fois ils échouent: dans le cas de Mr Elton, il se tourne complètement en ridicule en adoptant ce comportement. Pour ce qui est de Frank, il ne fait appel à ces techniques de séduction que pour les apparences. Il n’est à aucun moment amoureux d’Emma et il la croit assez intelligente pour se rendre compte que ces codes de courtisanerie sont périmés et qu’il n’est pas sérieux en les employant. Mr Knightley en revanche, qui est réellement amoureux d’elle, le lui montre en étant toujours honnête avec elle, même si cela implique de la contredire, de la vexer ou de se la mettre à dos. Le comportement du héros masculin est le premier indice de la modernité de cette romance. Il n’a rien d’un chevalier qui emmène sa princesse sur son cheval blanc à la fin de l’histoire. Au contraire, pour permettre à Emma de s’occuper de son vieux père, il renonce à son domaine et s’installe chez eux à Hartfield, il fait un compromis énorme pour être avec celle qu’il aime et est prêt à transgresser les coutumes et les habitus sociaux.
Un autre aspect hautement moderne du roman est à rattacher au personnage d’Emma: on pourrait voir en elle une héroïne proto-féministe. Tout d’abord parce qu’elle ne correspond pas à l’idéal de perfection morale, sociale et de vertu exigé des héroïnes de romans à l’époque, mais aussi parce qu’elle est une jeune femme indépendante, qui ne cherche pas à se marier et ne croit pas avoir besoin d’un homme et du statut d’épouse pour que sa vie ait de la valeur.
L’histoire d’amour dans Emma est donc bien différente des histoires d’amour courtois ou des romans à l’eau de rose de la préciosité, car elle n’est pas dictée par une obligation de se marier, qu’Emma ne cherche pas à tout prix un homme, qu’elle l’épouse par amour et que leur amour repose sur une confiance permise par l’honnêteté de Mr Knightley et leur capacité à devenir meilleurs (Emma, plus juste et moins vaniteuse, Knightley, plus ouvert à ses propres émotions) l’un grâce à l’autre.
Par ailleurs, la structure du roman courtois est complètement inversée dans Emma: la déclaration d’amour de Knightley est le tout dernier événement majeur du livre, il y a bien une scène de bal, mais à la fin du livre et ce n’est pas là que les deux jeunes gens se rencontrent, pas de coup de foudre dès le premier regard, et comme je l’ai déjà dit, les marques d’attentions de Knightley n’ont rien de superficielles, il ne lui cueille pas de fleurs, ne lui écrit pas de poèmes, de chansons, il lui dit tout simplement la vérité, dans un monde où la flatterie prévaut.

 » Si je vous aimais moins, peut-être pourrais-je parler plus. »

Il y a vraiment beaucoup de choses à dire sur ce roman. On pourrait encore s’appesantir sur le souci de réalisme (quitte à ce que le livre soit ennuyeux), la théâtralité du texte et de certains personnages (Miss Bates, par exemple, aurait tout à fait sa place dans une comédie), le rapprochement qu’on pourrait faire entre Jane Austen et Jane Fairfax, le niveau d’intimité de la relation qu’entretiennent Emma et Harriet, le comique, et bien plus encore. Mais le but n’est pas de faire un commentaire exhaustif du texte, j’espère que ce que j’ai évoqué dans cet article vous aura convaincu de sa valeur littéraire. Moi, en tout cas, je reconnais cette valeur, mais je dois avouer que cette lecture n’était pas de tout repos…

En effet, il me reste à vous dévoiler ce que j’ai personnellement pensé de ce livre. Pour être tout à fait sincère, j’ai voulu le laisser tomber plus d’une fois, j’ai mis 15h à le lire, je me suis beaucoup ennuyée, Emma m’a profondément agacée, -et elle ne se rachète que dans les 30 dernières pages-, en gros, j’ai pas pris un plaisir immense. Alors je suis consciente qu’une grande partie de ces impressions est liée au fait que j’ai lu ce roman en français, – et il me semble que j’avais une bien piètre traduction -, et à l’édition dans laquelle je l’ai lu. La couverture est juste magnifique (j’en ai mis une photo sur Instagram), mais le texte est truffé de coquilles, de mots manquants, de répétitions qui ont rendu la lecture très inconfortable. Peut-être qu’un jour je me lancerai dans une relecture en version originale, qui je pense sera bien plus agréable, parce qu’en français (surtout quand la traduction est mauvaise…) on perd vraiment le charme de la langue anglaise du XIXème.
Pour résumer, j’ai d’abord été très fâchée contre ce livre, je me demandais quand est-ce que ça allait décoller, quand les conversations futiles allaient laisser place à des choses plus profondes (ce qui a fini par arriver, rassurez-vous), et au bout d’un moment j’en ai eu assez d’être fâchée et de ne pas comprendre comment ce livre pouvait être aimé de tant de lecteurs. Alors je me suis dit que j’allais regarder le film, même s’il me restait seulement 150 pages. Et j’ai vraiment bienfait. J’ai regardé la version de cette année avec Anna Taylor Joy et elle est tellement mignonne et le film tellement coloré et vivant (pour 10 pages de dialogue dans le livre, on avait genre 2 répliques dans le film) que j’ai enfin pu comprendre un peu Emma et me rendre compte que si je m’ennuyais tellement et si elle était aussi insupportable, c’est parque qu’elle même s’ennuie royalement dans sa vie de petite noblesse provinciale. Par contre, je me suis spoilée la fin du livre (même si le film résume énormément le livre et ne met pas tous les événement dans le même ordre)… Bon c’est un mal pour un bien. J’ai beaucoup aimé dans le film que le moment pivot, celui qui permet à Emma de se rendre compte de l’atrocité et de la cruauté dont elle peut faire preuve, soit si bien mis en avant et si bien joué. En fait Emma dit quelque-chose de très méchant et moqueur à Miss Bates qui se met à pleurer et on voit sur le visage d’Emma qu’elle a compris qu’elle était allée trop loin. C’était vraiment un très bon moment du film. Mais la Emma du livre m’a un peu déçu à ce moment là parce qu’elle ne se rend pas compte de sa méchanceté en voyant la réaction de Miss Bates, il faut que Mr Knightley lui fasse remarquer la bassesse de son comportement. Donc encore un point pour Mr Knightley mais certainement pas pour Emma, qui n’est finalement pas trop remontée dans mon estime. Mais bon, j’imagine que ce que ce roman essaie de nous dire en dernière instance, c’est que tout est pardonnable et que si au fond on a un bon cœur et qu’on est capable de changer, on peut tous devenir les héros de notre propre roman. Emma est un livre sur Emma, mais aussi pour Emma, un livre qui doit lui servir de memo : elle est capable d’être plus qu’une somme de défauts insurmontables.

« Le goût pour la lecture, bien utilisé, peut à lui seul servir d’instruction. »
– Jane Austen

Pour finir, je ne dirais pas que j’ai détesté ce livre. J’ai réussi à en apprécier la modernité et l’originalité, mais je ne suis pas encore prête à m’y replonger. Peut être se fera-t-il une place toute particulière dans mon cœur, suite à la bataille que nous nous sommes livrée cette semaine, surtout si je le relis un jour en anglais.
Est-ce que je vous conseille ce livre? Oui, je pense qu’il peut plaire à beaucoup de monde et je comprends pourquoi c’est un livre que beaucoup de gens aiment. Je crois que les romans de mœurs c’est juste pas mon truc, ahah. Rien ne m’ennuie plus que les mondanités et les personnages qui tournent autour du pot. Mais c’est vrai que l’évolution d’Emma et la fin du livre en vaut vraiment la peine et je dois dire que ce n’est pas sans un peu de tendresse que j’ai refermé ce livre.

Voilà, je vous laisse sur une petite citation de la fin du livre ( partie III, chapitre 17) qui résume bien tout ce que je pense d’Emma et qui finit sur un peu d’auto-dérision de sa part.

Mr Knightley et Emma discutent de l’avenir de la petite fille qui vient de naître aux Weston:
 » -Pauvre petite! dit Emma, s’il en est ainsi que va-t-elle devenir?
– N’ayez pas peur, elle aura le sort de beaucoup d’autres. Elle sera désagréable dans son enfance et elle se corrigera en grandissant. Je renonce à toute la mauvaise humeur que j’avais contre les enfants gâtés, ma chère Emma : puisque je vous dois tout mon bonheur, ne me rendrais-je pas coupable d’une horrible ingratitude si je me montrais sévère envers eux? »

Passez une bonne soirée et bonnes lectures à tous!

Maurine ❤

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